Le Canada n’a pas connu la « Grande démission » qu’ont vécue les États-Unis au cours de la pandémie, alors que quatre millions d’Américains quittaient leur emploi durant le seul mois de janvier 2021. Toutefois, le marché du travail canadien est lui aussi affecté par une hausse historique des postes vacants : plus de la moitié des propriétaires d’entreprises affirment aujourd’hui avoir du mal à trouver le personnel dont ils ont besoin.
Si la pandémie a servi d’accélérateur, le phénomène découlerait aussi d’un autre facteur : le départ à la retraite des travailleurs nés entre 1945 et 1965, époque connue sous le nom de baby-boom. Heureusement, certains employeurs trouvent des manières de s’adapter à la situation.
Tour d’horizon de quelques pratiques inspirantes.
Penser l’expérience au-delà du salaire
La promesse d’un meilleur salaire est le motif le plus souvent invoqué par les travailleurs qui décident de changer d’emploi. Pourtant, les statistiques montrent que les secteurs qui ont augmenté de beaucoup leur offre salariale continuent d’être touchés par la pénurie d’employés.
Un salaire concurrentiel semble donc nécessaire… mais insuffisant. C’est pourquoi les entreprises se tournent de plus en plus vers des stratégies de rémunération globale qui recouvrent les différentes facettes de l’expérience professionnelle de leurs employés : les salaires, mais aussi la rémunération indirecte (qui désigne principalement les avantages sociaux et les dépenses remboursées par l’employeur) de même que la rémunération non monétaire, celle-ci incluant autant l’environnement de travail que la reconnaissance des contributions de l’employé, les possibilités de développement et les conditions de travail.
La rémunération indirecte
Sur le plan des avantages financiers indirects, plusieurs solutions nouvelles sont apparues au cours des dernières années. En voici trois parmi plusieurs autres.
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Des régimes de retraite adaptés à la taille de l’entreprise
L’offre de solutions d’épargne-retraite s’est beaucoup diversifiée dans le dernier quart de siècle, en particulier pour répondre aux besoins des PME. Au Québec, par exemple, le régime volontaire d’épargne-retraite (RVER) est apparu il y a quelques années et est même obligatoire pour toutes les entreprises de plus de cinq employés. Cependant, il existe aussi des solutions pour toute entreprise canadienne qui voudrait contribuer à l’épargne-retraite de ses employés sans se doter nécessairement de lourdes structures. On peut penser, entre autres, aux régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER) collectifs, aux régimes de pension agréés collectifs (RPAC) et aux comptes d’épargne libres d’impôt (CELI) collectifs. -
Des programmes d’intéressement sur mesure
Des avenues attrayantes existent aussi pour lier les intérêts financiers de l’employé avec ceux de l’entreprise. La première consiste à intégrer à la rémunération un volet associé à la performance, cette dernière pouvant être aussi bien celle de la personne que celle de l’entreprise. Ces dernières années, on a vu apparaître également des bonis versés à l’employé en retour d’une recommandation qui se traduira par une nouvelle embauche.
Les régimes de participation différée aux bénéfices (RPDB) sont également populaires auprès des PME. Ces régimes permettent à un employeur de partager les profits de l’entreprise avec ses employés. Ces derniers ne paient pas d’impôt sur les cotisations versées par l’employeur à leur RPDB, et les revenus de placement s’y accumulent à l’abri de l’impôt. Pour cette raison, le RPDB est souvent vu comme un complément aux régimes de retraite traditionnels.
Pour les plus grandes entreprises, les options d'achat d’actions sont une formule fréquemment envisagée. Celle-ci permet d’offrir à un employé l’occasion d’acheter, dans le futur, des actions de l’entreprise à un certain prix, et elle peut présenter certains avantages fiscaux.
Enfin, une autre solution possible est le régime d’intéressement à long terme (RILT). Celui-ci établit une entente entre l’entreprise et un employé clé afin de récompenser ce dernier par un montant en actions ou en espèces, en fonction de l’atteinte de résultats prédéterminés et aux termes d’une période fixe. Pour l’employeur, l’avantage est de fournir un puissant incitatif à la performance, mais dont le paiement est conditionnel à l’atteinte des objectifs souhaités. Pour l’employé, l’avantage est de s’associer à la croissance de l’entreprise d’une manière plus dynamique qu’avec un régime d’actionnariat traditionnel. -
Des solutions de protection plus globales
Les entreprises offrent de plus en plus à leur personnel des solutions « santé » qui s’inscrivent dans une approche globale du mieux-être et de la sécurité financière. Ces solutions feront généralement appel à une gamme étendue d’outils : assurance soins de santé, assurance médicaments, assurance dentaire, assurance vie, assurance invalidité, assurance voyage, et autres. Des couvertures sont aussi offertes, désormais, pour les employeurs qui souhaitent accompagner les membres de leur personnel qui vivent une transition de genre.
Le volet non financier
Sur le plan non financier, de nouvelles solutions sont aussi explorées par un nombre croissant d’entreprises.
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Les horaires et conditions de travail souples
Dans le sillage de la pandémie, la possibilité, pour un employé, d’alterner le travail à la maison et chez son employeur, selon des modalités souples, est devenue à la fois une norme et un casse-tête pour les entreprises. Des logiciels de planification d’horaires sont cependant apparus qui permettent d’accommoder les disponibilités changeantes du personnel, tout en augmentant la productivité de l’entreprise. Il s’agit d’un défi nouveau, mais qui s’inscrit dans un enjeu présent depuis plusieurs années: la conciliation travail-vie personnelle.
Dans le même ordre d’idées, les « tracances », c’est-à-dire la possibilité, pour un employé, de combiner un long séjour à l’étranger et le travail à distance, gagnent aussi en popularité. Elles soulèvent cependant certains enjeux, notamment en termes de santé et sécurité au travail et de cybersécurité. -
Le développement de la carrière à l’interne
Former des employés déjà en place pour leur permettre de prendre des responsabilités plus grandes constitue, pour plusieurs entreprises, une façon efficace de compenser le manque de candidatures à l’externe. Les employés qui désirent progresser dans leur carrière peuvent ainsi se réaliser au sein de l’entreprise, ce qui peut être un facteur de loyauté important. -
La transparence et la reconnaissance
Le personnel d’une entreprise aurait tendance à être davantage mobilisé quand il sait avec précision dans quelle direction l’entreprise s’en va et qu’il voit sa contribution reconnue. En entretenant une communication transparente avec ses employés et en mettant en place des moyens efficaces pour mesurer leur performance, un employeur pourra plus facilement les fidéliser. -
Le recrutement et l’accueil des employés issus de l’immigration
De plus en plus d’entreprises pallient la pénurie d’employés sur le marché local en recrutant de nouveaux arrivants. Cela exige parfois des programmes d’intégration nouveaux sur les plans professionnel, social et personnel, mais il pourrait en découler des avantages insoupçonnés sur l’ensemble du personnel : des études révèlent en effet que les employés sont heureux d’avoir en commun des valeurs fondamentales avec leur employeur, notamment en matière de diversité et d’inclusion.
Si vous êtes un employeur, plusieurs des solutions survolées ici peuvent être mises en place rapidement, moyennant des conseils appropriés. N’hésitez donc pas à en parler avec votre conseiller. Il pourra vous renseigner et vous orienter au besoin vers des ressources adaptées à vos besoins.
Les sources suivantes ont été utilisées dans la rédaction de cet article.
ADP, « Trouver des solutions à la pénurie de main-d’œuvre : 5 stratégies pour stimuler la fidélisation des employés »; « Planification d’horaires des employés ».
ACPV, « Quelle est la différence entre la rémunération directe, indirecte et non pécuniaire? ».
Les Affaires, « Pas de « Grande démission » au Québec ou au Canada, confirme Desjardins », « La pénurie de main-d’œuvre : crise ou occasion à saisir? [communication du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale] »; « Des «tracances» sans tracas, ça se planifie ».
BDC, « Comment s’adapter à la pénurie de main-d’œuvre ».
CNBC, « 4 million people quit their jobs in April, sparked by confidence they can find better work ».
CRHA, « Régimes d’intéressement à long terme (ILT) : sociétés cotées en bourse vs sociétés privées ».
Desjardins, « Mobiliser ses employés, c’est payant »; « Types de régimes — Épargne-retraite collective »; « Assurance collective pour votre entreprise ».
FTQ, « Avantages sociaux : que veulent les salariés du Québec? »; « Pénurie de main-d’œuvre : recrutement et rétention des employés ».
Gallup, « The ‘Great Resignation’ Is Really the 'Great Discontent ».
Gouvernement du Canada, « Options d'achat de titres accordées à des employés »; « Agréer un régime de participation différée aux bénéfices – Aperçu ».
Institut de la statistique du Québec, « Les postes vacants au Québec au 3ᵉ trimestre de 2022 ».
National, « Le mythe de la grande démission au Canada : les bases d’un marché du travail difficile ».
PCI rémunération-conseil, « Rétention à long terme : mettez du poids dans la balance! ».
Portail Constructo, « Fidéliser ses employés pour combattre la pénurie de main-d’œuvre ».
Raymond Chabot Grant Thornton, « Comment attirer la main-d’œuvre grâce à la rémunération globale? »; « Dix conseils pour accroître l’engagement des employés dans l’entreprise ».
Retraite Québec, « Le régime volontaire d’épargne-retraite (RVER) ».
Thorens Solutions, « Comment calculer sa rémunération globale? ».